Sainte Anastasie d'Illyrie : Témoin de Foi et de Résistance Chrétienne-RELICS

Sainte Anastasie d'Illyrie : Témoin de Foi et de Résistance Chrétienne

Dans la longue litanie des saintes et martyrs de l’Église primitive, Sainte Anastasie occupe une place singulière. Vénérée aussi bien en Orient qu’en Occident, mentionnée dans le Canon romain de la messe, elle incarne la pureté, la fidélité, la charité et la résistance face à la persécution.

Connue sous plusieurs noms – Anastasie la martyre, Anastasie la délivrée, ou encore Anastasia de Sirmium – cette jeune femme noble, riche et chrétienne a consacré sa vie à secourir les prisonniers de la foi et à guérir les malades, avant de mourir brûlée vive au tout début du IVᵉ siècle, lors de la grande persécution de Dioclétien.

L’histoire de Sainte Anastasie, bien que partiellement enveloppée de légende, est un témoignage poignant de la spiritualité des premiers siècles, mais aussi une source d’inspiration contemporaine pour les chrétiens du monde entier. Cet article retrace sa vie, son martyre, la diffusion de son culte, ses représentations artistiques, et l’héritage spirituel qu’elle a laissé.

 

relique Sainte Christine de Tyr

Reliquaire contenant une relique de Sainte Anastasie sur elics.es

 

Rome et Sirmium à l’époque des persécutions

Sainte Anastasie est traditionnellement rattachée à Sirmium, ville de Pannonie (actuelle Sremska Mitrovica, en Serbie), importante métropole militaire et administrative de l’Empire romain oriental. L’Église y était déjà bien implantée au IIIᵉ siècle, mais subissait des vagues de persécution récurrentes.

En 303, l’empereur Dioclétien, influencé par son co-empereur Galère, lança la plus sévère persécution de chrétiens de l’histoire romaine, connue comme la Grande Persécution. Ordres impériaux furent donnés pour détruire les églises, brûler les Écritures, interdire les réunions et forcer les chrétiens à sacrifier aux dieux.

C’est dans ce climat de peur, de violence et de clandestinité que Sainte Anastasie fit le choix radical de vivre l’Évangile jusqu’au martyre.

Une noble chrétienne dans l’ombre de Rome

Famille et éducation

Selon la tradition latine, Anastasie serait née à Rome vers la fin du IIIᵉ siècle, dans une famille noble. Son père, Praetextatus, était un haut fonctionnaire païen de l’Empire. Sa mère, Fausta, était chrétienne et aurait transmis à sa fille les premières graines de la foi.

Anastasie reçut une éducation soignée, apprenant le grec et le latin, la rhétorique, la philosophie et la médecine. Elle aurait été confiée spirituellement à saint Chrysogone, prêtre chrétien vénéré plus tard comme martyr, qui l’instruisit dans les Écritures et la doctrine chrétienne.

Mariage et vocation secrète

Encore très jeune, Anastasie fut mariée contre son gré à un noble romain païen nommé Publius, ou Pomponius selon certaines sources. Afin de préserver sa virginité, elle feignit une maladie chronique, lui refusant toute union charnelle. Sous couvert de soins médicaux, elle put consacrer son temps à secourir les prisonniers chrétiens, à leur porter de la nourriture, des vêtements, des médicaments, et à panser leurs plaies.

Ce double jeu dura quelque temps, jusqu’à ce que son mari découvre ses activités. Fou de rage, il l’enferma, la priva de nourriture et de biens, mais mourut peu après dans des circonstances obscures, qu’on attribue parfois à une maladie subite. Anastasie recouvra alors sa liberté, ses biens et intensifia son action caritative.

Sainte Anastasie, guérisseuse et « délivrée »

Anastasie est connue dans la tradition orientale sous le nom de "Pharmakolytria", c’est-à-dire « celle qui délivre des poisons et des maléfices ». Elle avait, semble-t-il, une connaissance des simples, des plantes médicinales et des onguents, ce qui lui permit d’aider de nombreux malades.

Mais ce surnom a également une dimension spirituelle : elle délivre de l’angoisse, des prisons, du péché et de l’influence des puissances démoniaques. Elle devient ainsi un modèle de diaconie féminine — de service — très actif et respecté dans les premières communautés chrétiennes.

Le procès et le martyre

Après avoir été arrêtée une première fois, Anastasie fut libérée par l’intercession d’un magistrat chrétien. Mais peu après, lors d’une nouvelle vague de répression, elle fut à nouveau capturée et conduite à Sirmium, capitale provinciale, où sévissait l’empereur Galère.

Refusant de sacrifier aux dieux, Anastasie subit un long procès. Elle fut torturée, mais garda silence ou se contenta de proclamer sa foi en Jésus-Christ. Les autorités tentèrent de la faire plier, impressionnées par son rang, sa jeunesse et sa beauté, mais elle demeura ferme.

Finalement, elle fut condamnée à mort par le feu. On la lia sur un radeau ou une plate-forme, placée au-dessus d’un bûcher allumé sur l’île de Palmaria, au large de la côte dalmate. Selon certains récits, elle chanta des psaumes jusqu’au dernier instant. Elle rendit l’âme le 25 décembre 304.

Après la mort : la diffusion du culte

En Orient

Le culte de Sainte Anastasie se développa très tôt en Orient. En 468, ses reliques furent transférées à Constantinople sous l’impératrice byzantine Pulchérie, épouse de Marcien. Une basilique lui fut dédiée, où de nombreux fidèles vinrent prier pour la guérison et la délivrance.

Elle est célébrée dans le calendrier byzantin le 22 décembre, et son culte reste vivace dans les Églises orthodoxes grecques et slaves.

En Occident

En Occident, le culte de Sainte Anastasie connaît un rayonnement remarquable dès le Ve siècle. Elle figure dans le Canon romain de la messe – l’une des rares femmes avec Agnès, Cécile, Félicité, Pérpétue, Lucie et Agathe. Elle est mentionnée après la consécration, ce qui atteste de son importance liturgique.

Ses reliques furent partiellement transférées à Zadar, en Dalmatie (Croatie actuelle), où une basilique lui fut dédiée. Elle y est connue comme Sveti Stošija, patronne de la ville. Ses reliques, notamment une partie de sa tête, sont conservées dans un sarcophage en marbre, encore visible aujourd’hui.

Représentation iconographique

Sainte Anastasie est souvent représentée dans l’art chrétien occidental et oriental avec les attributs suivants :

  • Une palme : symbole du martyre

  • Un flacon ou des fioles : rappel de ses activités de guérisseuse

  • Des chaînes ou des fers : évoquant sa libération des prisonniers

  • Un feu ou un bûcher : en allusion à son supplice

Dans les icônes byzantines, elle est souvent représentée debout, drapée d’un manteau rouge ou bleu, avec une expression grave et bienveillante. Dans l’art baroque, elle est parfois montrée en train de libérer un captif, ou versant une potion médicinale.

Patronage et invocation

Sainte Anastasie est la patronne :

  • des pharmaciens

  • des médecins

  • des personnes injustement emprisonnées

  • des femmes maltraitées ou veuves

  • des victimes d’empoisonnement

Elle est invoquée pour obtenir la guérison, la libération spirituelle, et la paix intérieure. Son nom, d’ailleurs, signifie « résurrection » en grec (Anástasis), ce qui lui donne une portée eschatologique forte.

Influence spirituelle et théologique

Le témoignage de Sainte Anastasie a marqué des générations de chrétiens, notamment :

  • Par sa fidélité au Christ jusqu’au sacrifice suprême

  • Par sa liberté intérieure face aux contraintes sociales et matrimoniales

  • Par sa mission caritative auprès des exclus

Elle incarne l’idéal de la virginité consacrée, de la diaconie féminine et de la charité active dans les premiers siècles du christianisme. Elle est également un symbole de la liberté spirituelle face à l’oppression politique.

Liturgie et célébration

Fête liturgique

  • Occident : 25 décembre (même jour que Noël, ce qui a relégué sa célébration au second plan)

  • Orient : 22 décembre

Certaines communautés, notamment dans les Balkans, continuent de lui consacrer des processions, des veillées et des prières spécifiques.

Prières et litanies

Anastasie apparaît dans plusieurs litanies médiévales et prières d’exorcisme. On lui adresse notamment des prières de délivrance, comme :

« Sainte Anastasie, toi qui as libéré les captifs et guéri les cœurs, intercède pour nous auprès du Seigneur, pour qu’il nous délivre de tout mal visible et invisible. »

Conclusion

Sainte Anastasie demeure aujourd’hui une figure puissante de foi, d’espérance et de miséricorde. Elle a su conjuguer intelligence, courage, humilité et charité dans une époque troublée, où confesser le nom du Christ équivalait à signer son arrêt de mort.

Par sa vie et son sacrifice, elle a marqué l’histoire de l’Église et continue d’inspirer les chrétiens, en particulier les femmes appelées à vivre leur foi avec audace et tendresse.

Mentionnée dans le Canon romain, honorée en Orient et en Occident, elle nous rappelle que la sainteté ne dépend ni de la force ni de la gloire, mais de la liberté intérieure que donne l’amour de Dieu.

 

SOURCES

 

  • Peter Brown, Le culte des saints – Son essor et sa fonction dans la chrétienté latine, Gallimard, 1984.

  • Jean-Marie Sansterre, Les saints et leur culte en Occident aux premiers siècles, Éditions du Cerf, 2001.

  • Hippolyte Delehaye, Les légendes hagiographiques, Société des Bollandistes, Bruxelles, 1905.

  • Agostino Amore, O.F.M., S. Anastasia e la sua Basilica a Roma, Libreria Editrice Vaticana, 1967.

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