Saint Pie V (1504-1572) fut l’un des papes les plus influents de la Contre-Réforme catholique. Son pontificat (1566-1572) se distingua par une volonté de restaurer la discipline ecclésiastique, de défendre la chrétienté contre les menaces extérieures et d’ancrer les réformes du Concile de Trente. Son austérité, sa rigueur doctrinale et sa détermination en font une figure emblématique de l’histoire de l’Église. Canonisé en 1712, il est fêté chaque année le 30 avril.

Reliquaire contenant une relique de Saint Pie V sur relics.es
Une jeunesse marquée par la piété et l’ascétisme
Antonio Ghislieri, futur Pie V, naît le 17 janvier 1504 à Bosco, dans le duché de Milan (aujourd’hui Bosco Marengo, en Italie). Issu d’une famille modeste de paysans, il grandit dans un environnement marqué par la simplicité et la piété. Très tôt, il développe un attrait profond pour la prière et la contemplation, ce qui l’amène à rejoindre l’ordre des Dominicains à l’âge de 14 ans, adoptant une vie rigoureuse de prière, d'étude et de pénitence.
Il prend le nom de Michele Ghislieri en devenant dominicain et est formé selon les principes stricts de l’Ordre des Prêcheurs, où il acquiert une solide formation en théologie et en philosophie scolastique. Passionné par la défense de l’orthodoxie catholique, il se distingue très tôt par son esprit rigoureux et son intransigeance doctrinale.
Après son ordination sacerdotale en 1528, il enseigne la théologie et la philosophie dans plusieurs couvents dominicains. Il se distingue par son érudition, sa rigueur doctrinale et son engagement pour l’orthodoxie catholique. En raison de son intransigeance face aux idées réformistes et de sa défense ardente des dogmes catholiques, il est nommé inquisiteur en Lombardie puis dans d’autres régions italiennes. Son rôle dans la lutte contre l’hérésie protestante lui attire de nombreuses inimitiés, mais son engagement inflexible lui vaut également le respect des plus hautes instances de l’Église, facilitant ainsi son ascension ecclésiastique.
En tant qu'inquisiteur, il adopte une approche stricte, cherchant à éradiquer toute forme de déviation doctrinale. Sa réputation d'incorruptible défenseur de la foi l’amène à être convoqué à Rome, où il devient Commissaire du Saint-Office sous le pontificat de Paul IV. Cette position lui permet de renforcer son influence dans les cercles ecclésiastiques et de préparer la mise en place des réformes du Concile de Trente.
L’ascension vers la papauté
En 1556, il est nommé évêque de Nepi et Sutri, une responsabilité qui lui permet de continuer à promouvoir une stricte observance des principes catholiques dans son diocèse. Son zèle et son intransigeance dans la défense de la foi attirent rapidement l’attention des hautes sphères ecclésiastiques, ce qui lui vaut d’être nommé cardinal en 1557 par le pape Paul IV. Ce dernier, fervent partisan de la Contre-Réforme, reconnaît en lui un allié de poids pour mener à bien les réformes nécessaires à l’Église catholique face aux défis posés par le protestantisme.
Dans son rôle de Grand Inquisiteur, Antonio Ghislieri s’impose comme un défenseur inflexible de l’orthodoxie catholique. Il dirige avec fermeté le Saint-Office, veillant à éradiquer toute influence hérétique au sein de la chrétienté. Son action ne se limite pas à l’Italie : il soutient les souverains catholiques dans leur lutte contre la propagation des idées protestantes en Europe, notamment en Espagne et en France. Son engagement inébranlable pour la défense de la foi catholique lui vaut le respect et la crainte de ses contemporains.
À la mort de Pie IV en 1565, l’élection d’un nouveau pape s’annonce décisive pour l’avenir de l’Église. Le conclave est marqué par des tensions entre les partisans d’une politique plus conciliante et ceux qui souhaitent une fermeté accrue face aux hérésies. Finalement, le 7 janvier 1566, Antonio Ghislieri est élu pape sous le nom de Pie V. Son élection est accueillie avec espoir par les tenants de la Contre-Réforme, qui voient en lui l’homme providentiel capable de poursuivre l’œuvre de restauration de l’Église et de réaffirmer son autorité face aux menaces internes et externes.
Les grandes réformes de Pie V
Application des décisions du Concile de Trente
Le Concile de Trente (1545-1563) avait posé les bases de la Contre-Réforme, mais sa mise en application restait incomplète. Pie V s’attèle à cette tâche avec rigueur, mettant en place des réformes profondes et durables :
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Réforme du clergé : Il impose aux prêtres et évêques une stricte observance de la discipline ecclésiastique. Il veille à ce que les séminaires deviennent des lieux d'enseignement théologique rigoureux, formant un clergé exemplaire sur les plans doctrinal et moral. Il applique également des sanctions contre les abus et la corruption au sein de l'Église, renforçant ainsi la crédibilité du clergé aux yeux des fidèles.
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Missel Romain (1570) : Pie V publie une version révisée du Missel Romain, standardisant la liturgie dans toute l'Église latine. Ce missel, inspiré des usages romains et épurés des ajouts non conformes aux enseignements tridentins, devient la norme pour plusieurs siècles. Il marque une volonté d’unifier la prière de l’Église et de garantir l’orthodoxie des célébrations.
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Catéchisme du Concile de Trente : Afin de mieux instruire les fidèles et renforcer leur formation religieuse, il encourage la diffusion du Catéchisme du Concile de Trente. Destiné aux prêtres et enseignants religieux, ce texte fondamental vise à clarifier les vérités de la foi et à répondre aux défis posés par les doctrines protestantes.
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Révision de la Vulgate : Conscient de la nécessité d’une version fiable de la Bible en latin, Pie V lance un travail approfondi de correction et d’harmonisation de la Vulgate. Il s’agit d’assurer que la parole de Dieu soit transmise avec précision et fidélité, consolidant ainsi l’autorité des Écritures dans la doctrine catholique.
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Codification du Rosaire : Grand promoteur de la dévotion mariale, Pie V encourage la prière du Rosaire et établit une structure plus définie pour sa récitation. C’est sous son pontificat que la pratique du Rosaire prend une place prépondérante dans la spiritualité catholique, notamment après la victoire de Lépante qu’il attribue à l’intercession de la Vierge Marie. Il instaure alors la fête de Notre-Dame du Rosaire pour commémorer cette victoire et rappeler aux fidèles l’importance de cette prière.
Grâce à ces réformes, Pie V consolide l’Église catholique face aux bouleversements de son époque, renforçant son unité doctrinale et spirituelle.
Lutte contre les hérésies et renforcement de l’Inquisition
Pie V lutte activement contre le protestantisme et veille à préserver la pureté doctrinale. Il soutient fermement l’Inquisition, qu’il considère comme un instrument essentiel pour protéger l’unité de l’Église et éradiquer les doctrines hérétiques. En tant qu’ancien Grand Inquisiteur, il renforce les tribunaux du Saint-Office, veillant à ce que les enquêtes sur les soupçons d’hérésie soient menées avec rigueur et autorité.
Son engagement contre l’hérésie se manifeste de manière spectaculaire en 1570 lorsqu’il excommunie Élisabeth Ire d’Angleterre à travers la bulle Regnans in Excelsis. Par ce décret, il déclare qu’Élisabeth n’a aucun droit légitime au trône d’Angleterre tant qu’elle persiste à soutenir l’anglicanisme. Cette excommunication entraîne une rupture diplomatique définitive entre Rome et la couronne anglaise, alimentant les tensions religieuses en Europe.
Par ailleurs, Pie V met en place des mesures sévères contre les protestants en Italie et en Espagne. Il soutient les efforts de l’Inquisition espagnole dirigée par Philippe II d’Espagne, qui mène une répression implacable contre les groupes protestants et crypto-juifs. En Italie, il veille à ce que les tribunaux inquisitoriaux restent vigilants face aux influences réformées et ordonne des purges dans certaines villes soupçonnées d’héberger des dissidents religieux. Sous son pontificat, l’Inquisition demeure un pilier fondamental du combat contre les hérésies et joue un rôle central dans la consolidation de la Contre-Réforme.
La bataille de Lépante et la défense de la chrétienté
L’un des événements majeurs de son pontificat est la bataille de Lépante (7 octobre 1571), un affrontement naval d’une importance capitale pour la chrétienté. Face à l’expansion de l’Empire ottoman en Méditerranée, Pie V prend conscience du danger imminent qui menace l’Europe chrétienne. Convaincu que seule une alliance des puissances catholiques peut arrêter la progression turque, il entreprend d’unir les royaumes chrétiens sous une bannière commune.
Pour cela, il organise la Sainte Ligue, une coalition militaire rassemblant l’Espagne de Philippe II, la République de Venise, les États pontificaux et plusieurs autres forces chrétiennes. Après de longues négociations diplomatiques et la mobilisation de ressources conséquentes, la flotte de la Sainte Ligue, commandée par Don Juan d'Autriche, affronte la flotte ottomane dans le golfe de Patras, près de Lépante.
La bataille se solde par une victoire décisive des forces chrétiennes, mettant un coup d’arrêt à l’expansion ottomane en Méditerranée occidentale. Cet événement est perçu comme un tournant historique, non seulement sur le plan militaire, mais aussi spirituel. Pie V attribue ce succès à l’intercession de la Vierge Marie et encourage la récitation du Rosaire parmi les fidèles, convaincu que la victoire a été obtenue grâce aux prières ferventes des chrétiens. Pour commémorer ce triomphe, il institue la fête de Notre-Dame du Rosaire, célébrée chaque année le 7 octobre.
La bataille de Lépante renforce l’image de Pie V en tant que pape guerrier et défenseur de la chrétienté. Son rôle dans la formation de la Sainte Ligue et son appel à la prière collective illustrent son engagement total dans la protection de la foi catholique face aux menaces extérieures.
Un pontificat marqué par l’austérité et la charité
Pie V mène une vie personnelle ascétique, refusant le luxe habituellement associé à la papauté. Il dort sur une simple paillasse, porte des vêtements modestes et limite les dépenses somptuaires du Vatican. Son engagement en faveur des pauvres est sans faille : il redistribue une grande partie des ressources de l’Église aux nécessiteux, finance des hôpitaux et s’emploie à secourir les victimes de la misère et des famines qui frappent certaines régions d’Italie. Il crée également des œuvres de charité, s’assurant que les plus démunis puissent recevoir du pain et une assistance médicale.
Son souci du bien-être des fidèles se traduit aussi par des réformes sanitaires et sociales. Conscient des dangers posés par les épidémies, il met en place des mesures d’hygiène publique pour protéger la population, favorisant notamment l’aménagement de fontaines et la propreté des rues dans les villes soumises à l’autorité papale.
Il interdit également les spectacles jugés immoraux, considérant que les représentations théâtrales peuvent encourager le vice et détourner les âmes de la prière. Il combat avec vigueur la corruption au sein du clergé, imposant des règles de stricte observance aux évêques et aux prêtres, et veille à ce que les monastères respectent une discipline rigoureuse. Son action dans ce domaine marque un tournant dans la moralisation de l’Église, imposant une exemplarité renforcée aux membres du clergé.
Mort, canonisation et reliques
Pie V meurt le 1er mai 1572, épuisé par ses efforts et ses austérités. Son héritage reste immense : son engagement pour la réforme de l’Église et sa défense de la foi ont marqué l’histoire catholique. Béatifié en 1672 et canonisé en 1712, il est aujourd’hui fêté le 30 avril.
Les reliques de Saint Pie V occupent une place centrale dans la vénération qui lui est rendue depuis sa mort en 1572. Son corps, conservé de manière remarquable, est l'un des éléments les plus précieux du patrimoine spirituel de l'Église catholique. D'abord enterré dans la chapelle de San Andrea au Vatican, son corps fut exhumé en 1588 sur ordre du pape Sixte V et transféré avec grande solennité à la basilique Santa Maria Maggiore, l'une des quatre basiliques majeures de Rome. Il repose aujourd’hui dans un sarcophage en cristal sous l’autel de la chapelle Sixtine, permettant aux fidèles de le contempler et de prier devant ses reliques.
Ce transfert visait à donner plus de visibilité au culte de Saint Pie V, reconnu pour ses réformes du catholicisme post-conciliaire et son combat contre les hérésies. À travers les siècles, diverses parties de ses reliques ont été prélevées et distribuées dans différentes églises pour favoriser la dévotion. Ces fragments, parfois contenus dans des reliquaires précieux, sont conservés avec vénération et utilisés dans des cérémonies liturgiques.
Son corps étant resté relativement bien conservé, de nombreux pèlerins viennent se recueillir devant lui, attirés par son héritage de sainteté et son rôle de défenseur de la foi catholique. Certains témoignages de l’époque rapportent que son corps exhalait un parfum agréable lors de son exhumation, un signe traditionnellement interprété comme une manifestation de sainteté. Ainsi, les reliques de Saint Pie V continuent de jouer un rôle fondamental dans le culte qui lui est rendu, perpétuant sa mémoire et son influence spirituelle à travers les siècles.
Conclusion
Saint Pie V incarne la rigueur et la réforme dans l’Église post-tridentine. Son action énergique pour appliquer les décisions du Concile de Trente, son rôle dans la victoire de Lépante et son engagement en faveur des pauvres font de lui un pape emblématique de la Contre-Réforme.