Marie Tudor : La Vie et la Légende de "Bloody Mary"-RELICS

Marie Tudor : La Vie et la Légende de "Bloody Mary"

Marie Tudor, plus connue sous le nom de "Bloody Mary", est l'une des figures les plus controversées de l'histoire anglaise. Née le 18 février 1516, elle était la fille du roi Henri VIII et de sa première épouse, Catherine d'Aragon. Son règne, bien que court, a laissé une marque indélébile sur l'histoire de l'Angleterre. Cet article explore sa vie, son règne tumultueux, et la légende qui lui a valu son surnom sinistre.

Heurtoir de porte en bronze représentant Marie Tudor et daté de 1516 sur Relics.es

 

Enfance et Adolescence

Marie Tudor est née à Greenwich, dans une période de grande instabilité politique et religieuse. Elle était l'unique enfant survivant d'Henri VIII et Catherine d'Aragon, ce qui la plaçait en position d'héritière au trône. Son enfance fut marquée par l'éducation stricte et pieuse de sa mère, qui la prépara à devenir une reine catholique fervente.

Cependant, la vie de Marie changea radicalement lorsque Henri VIII chercha à annuler son mariage avec Catherine pour épouser Anne Boleyn. Le pape refusant d'accorder l'annulation, Henri VIII rompit avec l'Église catholique et établit l'Église d'Angleterre, se déclarant chef suprême. Cette scission religieuse, connue sous le nom de la Réforme anglaise, fit de Marie une paria à la cour, surtout après le remariage de son père et la naissance de sa demi-sœur, Élisabeth, qui était désormais considérée comme l'héritière légitime.

Montée au Pouvoir

Après la mort d'Henri VIII en 1547, son fils Édouard VI, issu de son troisième mariage avec Jane Seymour, monta sur le trône. Édouard, étant un protestant fervent, poursuivit les réformes religieuses commencées par son père. À sa mort prématurée en 1553, une crise de succession éclata. Édouard avait désigné sa cousine protestante, Lady Jane Grey, comme héritière pour empêcher le retour du catholicisme sous Marie.

Cependant, Marie, avec le soutien de nombreux partisans, réussit à renverser Lady Jane Grey après seulement neuf jours de règne. Elle entra triomphalement à Londres en tant que première reine régnante d'Angleterre.

Le Règne de "Bloody Mary"

Marie Ier Tudor monta sur le trône en juillet 1553 avec la détermination de restaurer le catholicisme en Angleterre. Son accession au trône marqua la fin de la tentative de son demi-frère, Édouard VI, de maintenir un héritage protestant par la nomination de Lady Jane Grey. Marie renversa cette tentative et fut accueillie avec enthousiasme par le peuple, qui espérait un retour à une certaine stabilité après les turbulences religieuses des règnes précédents.

Restauration Catholique

Dès le début de son règne, Marie chercha à restaurer le catholicisme en Angleterre. En 1554, elle persuada le Parlement de révoquer les lois anti-catholiques instaurées sous Édouard VI. Elle rétablit les services religieux catholiques, ramena l'Angleterre sous l'autorité papale et promulgua des lois sévères contre l'hérésie. La Première Loi d'Abrogation de 1553 restaura la liturgie et les pratiques religieuses de l'Église catholique, tandis que la Seconde Loi d'Abrogation de 1555 rétablissait les anciennes lois contre l'hérésie.

Mariage avec Philippe d'Espagne

En 1554, Marie épousa Philippe II d'Espagne, fils de l'empereur Charles V. Ce mariage fut avant tout une alliance politique destinée à renforcer les liens avec l'Espagne et à solidifier la position catholique de l'Angleterre. Cependant, il fut extrêmement impopulaire parmi les sujets de Marie. Beaucoup craignaient que l'Angleterre ne devienne un pion dans les ambitions impériales espagnoles et que le pays ne soit entraîné dans des guerres étrangères.

Le mariage ne produisit pas l'héritier tant espéré, ce qui ajouta à l'impopularité de Philippe et fit de Marie une figure tragique, marquée par des grossesses imaginaires et des souffrances personnelles.

La Persécution des Protestants

Le point culminant et le plus controversé du règne de Marie, et la principale raison de son surnom "Bloody Mary", fut la persécution des protestants. Entre 1555 et 1558, environ 280 protestants furent exécutés pour hérésie. Ces persécutions furent motivées par le désir de Marie de réaffirmer l'autorité catholique et d'éliminer l'hérésie protestante qui avait gagné en influence sous les règnes d'Henri VIII et d'Édouard VI.

Les exécutions furent souvent publiques et brutales, les condamnés étant brûlés sur le bûcher. Parmi les victimes les plus notables figurent l'archevêque Thomas Cranmer, un architecte majeur de la Réforme anglaise, ainsi que les évêques Hugh Latimer et Nicholas Ridley, tous deux figures de proue du protestantisme.

Impact des Exécutions

Ces exécutions eurent un impact profond sur la société anglaise. Elles furent largement impopulaires et suscitèrent un profond ressentiment contre Marie. Les martyrs protestants furent vénérés comme des héros de la foi et leur souffrance contribua à renforcer le sentiment anti-catholique parmi la population. Le Livre des Martyrs de John Foxe, publié en 1563, documenta ces exécutions et les souffrances des protestants, jouant un rôle crucial dans la formation de l'image de Marie en tant que tyran sanguinaire.

Réactions et Conséquences

Les tentatives de Marie pour restaurer le catholicisme rencontrèrent une résistance considérable. En 1554, une rébellion dirigée par Thomas Wyatt chercha à renverser Marie et à empêcher son mariage avec Philippe d'Espagne. Bien que cette rébellion fut écrasée, elle illustra la profondeur du mécontentement populaire.

Les politiques religieuses de Marie échouèrent à rétablir le catholicisme de manière durable. À sa mort en 1558, sa demi-sœur Élisabeth Ire monta sur le trône et restaura le protestantisme. Le règne d'Élisabeth marqua le début d'une ère de stabilité relative et de prospérité pour l'Angleterre, et les politiques catholiques de Marie furent largement abandonnées.

La Fin du Règne et l'Héritage

Marie Ire mourut le 17 novembre 1558, probablement de la grippe ou d'un cancer de l'utérus. Son règne de cinq ans, bien que marqué par ses efforts de restauration catholique, fut largement considéré comme un échec. À sa mort, sa demi-sœur Élisabeth Ire, protestante convaincue, monta sur le trône, rétablissant définitivement l'Église d'Angleterre.

L'héritage de Marie est complexe. D'une part, elle est souvent jugée sévèrement pour sa brutalité et son intolérance religieuse. D'autre part, certains historiens soulignent les difficultés et les pressions énormes auxquelles elle fut confrontée, en tant que femme régnante dans un monde dominé par les hommes, et les défis de gouverner un royaume profondément divisé par les questions de foi.

La Légende de "Bloody Mary"

La légende de "Bloody Mary" a transcendé l'histoire pour devenir une partie intégrante du folklore mondial. Le surnom "Bloody Mary" n'évoque pas seulement les exécutions de protestants sous le règne de Marie Tudor, mais a également évolué pour devenir une figure mythique dans la culture populaire. Cette section explore comment le mythe de "Bloody Mary" a émergé, comment il s'est propagé, et les différentes formes qu'il prend aujourd'hui.

Origines Historiques

Le surnom "Bloody Mary" est directement lié aux persécutions religieuses orchestrées par Marie Ier. Les exécutions de quelque 280 protestants pour hérésie, entre 1555 et 1558, ont marqué son règne de sang et de terreur. Ces événements ont profondément choqué la population anglaise et ont laissé une trace indélébile dans l'histoire, créant une image de Marie comme une reine impitoyable et sanguinaire.

Transition vers le Folklore

Au fil des siècles, l'image de Marie Tudor s'est détachée des strictes limites historiques pour entrer dans le domaine du folklore et de la légende. Les récits de ses actions ont été embellis et amplifiés, contribuant à une représentation exagérée et souvent surnaturelle. Cette transformation est courante dans le folklore, où les figures historiques deviennent des symboles de peur ou de mystère.

Le Rituel de "Bloody Mary"

L'une des manifestations les plus connues de la légende de "Bloody Mary" est le rituel du même nom. Ce jeu folklorique est populaire parmi les enfants et les adolescents, particulièrement en Amérique du Nord. Le rituel consiste à se tenir devant un miroir dans une pièce sombre, souvent éclairée seulement par une bougie, et à prononcer le nom "Bloody Mary" plusieurs fois (généralement trois ou treize fois). Selon la légende, l'esprit de Bloody Mary apparaîtra dans le miroir, souvent de manière effrayante.

Les descriptions de l'apparition varient : certains disent qu'elle est une femme ensanglantée, d'autres qu'elle est un spectre vengeur. Le mythe contient parfois des éléments supplémentaires, comme l'exigence de tourner sur soi-même ou de prononcer des phrases spécifiques.

Interprétations et Significations

La légende de "Bloody Mary" peut être interprétée de plusieurs manières. Pour certains, elle est une simple histoire de fantôme, un jeu destiné à effrayer et à divertir. Pour d'autres, elle peut symboliser des peurs plus profondes, comme la peur de l'inconnu, de la mort, ou de la vengeance.

L'élément du miroir est particulièrement significatif. Dans de nombreuses cultures, les miroirs sont vus comme des portails vers d'autres mondes ou comme des objets capables de capturer des âmes. Le miroir dans la légende de "Bloody Mary" agit comme un seuil entre le monde des vivants et celui des morts, permettant à l'esprit de la reine de revenir pour hanter ceux qui osent l'invoquer.

Influence Culturelle

La légende de "Bloody Mary" a influencé de nombreux aspects de la culture populaire. Elle apparaît dans les films, les séries télévisées, la littérature et même les jeux vidéo. Par exemple, le film d'horreur "Candyman" (1992) s'inspire de manière libre de la légende de Bloody Mary, remplaçant le spectre de Marie par celui d'un autre personnage vengeur.

De plus, la légende a été utilisée dans des contextes éducatifs pour explorer des thèmes tels que l'histoire des Tudor, la psychologie de la peur, et les mécanismes du folklore.

Psychologie de la Légende

La légende de "Bloody Mary" peut également être analysée sous l'angle de la psychologie. Le rituel implique souvent des éléments de suggestion et de perception visuelle altérée. L'obscurité, la répétition du nom, et l'anticipation d'un événement effrayant peuvent amener les participants à voir ce qu'ils attendent de voir, une forme de pareidolie (la tendance humaine à percevoir des formes familières dans des stimuli visuels ambigus).

En psychologie, ce type de rituel peut être vu comme une façon d'expérimenter la peur dans un environnement contrôlé, offrant une catharsis ou une manière de tester les limites de ses propres nerfs.

La légende de "Bloody Mary" est un exemple fascinant de la manière dont l'histoire peut être réinterprétée et amplifiée par la culture populaire. De reine historique connue pour sa brutalité, Marie Tudor est devenue une figure mythique de la peur et du mystère. Le rituel de "Bloody Mary" et ses nombreuses interprétations montrent comment les récits peuvent évoluer et captiver l'imagination collective, traversant les frontières du temps et de l'espace pour devenir des éléments durables du folklore mondial.

En conclusion, Marie Tudor reste une figure fascinante et controversée. Son règne, bien que bref, a eu des répercussions durables sur l'Angleterre. La complexité de sa vie et de son règne reflète les tensions religieuses et politiques de son époque, et la légende de "Bloody Mary" continue de captiver l'imaginaire populaire à travers les siècles.


 

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