À la Frontière des Ténèbres : L'Énigmatique Abbé Boullan et ses Liens Controversés avec le Satanisme-RELICS

À la Frontière des Ténèbres : L'Énigmatique Abbé Boullan et ses Liens Controversés avec le Satanisme

En 1824, voit le jour Joseph-Antoine Boullan, né dans le paisible village de Saint-Porquier, situé dans le département du Tarn-et-Garonne. Les détails de son enfance demeurent plutôt discrets, à l'exception de son engagement précoce sur le chemin de la spiritualité. Ayant brillamment achevé son parcours académique au séminaire de Montauban, ce jeune homme est ensuite dépêché à Rome afin de poursuivre des études doctorales en théologie.

En cet endroit, il intégrera la Congrégation du Précieux-Sang, se livrant à des actes d'auto-flagellation sanglante dans le but de "faire pénitence pour le peuple". Après son retour en France, Joseph-Antoine Boullan établira sa résidence au couvent des Trois-Épis en Alsace. Attiré par les études mystiques et le néo-spiritualisme, le jeune homme développera un vif intérêt pour les phénomènes surnaturels.

En 1853, il se lance dans la traduction de La Vie divine de la Sainte-Vierge, une activité qu'il reproduira fréquemment en publiant d'autres œuvres pieuses une fois établi à Paris. Jusqu'alors, peu d'éléments s'opposent à l'image de ce prêtre qui semble dévoué à "souffrir pour les autres". Cependant, la nature perverse de ses pratiques se dévoilera lorsqu'il fondera la congrégation religieuse de l'Œuvre de la Réparation.

Rituel d'exorcisme et usage d'hosties imprégnées de sang.

Fréquemment sollicité pour pratiquer des exorcismes sur les religieuses confrontées à des troubles psychiques, l'abbé Boullan établit un lien avec Adèle Chevalier, une nonne autrefois aveugle qui a retrouvé miraculeusement la vue après sa visite au sanctuaire alpin de La Salette. Ensemble, en 1859, ils fondent l'Œuvre de la Réparation à Sèvres, entretenant secrètement une liaison.

Bien que temporairement autorisée par l'évêque de Versailles, la congrégation attire rapidement l'attention. Dans le but de "d'exorciser le mal", Joseph-Antoine Boullan et Adèle Chevalier se livrent à des pratiques scandaleuses avec les religieuses. Des témoignages ont rapporté que le prêtre crachait dans la bouche des religieuses, les faisait boire de son urine parfois mélangée à celle de la sœur Adèle, et les enduisait de cataplasmes à base de matières fécales, prétendument dans le but de les soigner.

Le prêtre orchestrait des rituels d'amour et de gloire, impliquant des contacts corporels nus en groupe. De plus, il distribuait des "hosties sanglantes" qui suintaient du sang. Il officie suivant des rites spéciaux où Adèle Chevalier offre son corps nu à l’autel, la messe noire est proche.

Des allégations de pratiques frauduleuses.

Au-delà de ces activités considérées comme satanistes, Adèle Chevalier et Joseph-Antoine Boullan font face à des accusations d'escroquerie. Le couple percevait de l'argent de la part de ceux cherchant à obtenir les faveurs de la Sainte Vierge. Suite à ces révélations, ils ont tous deux été condamnés à une peine de trois ans de prison.

Plus sinistrement, circule une rumeur suggérant que l'abbé Boullan aurait orchestré la disparition de l'enfant issu de sa liaison clandestine avec Adèle Chevalier. On soupçonne Boullan d’avoir religieusement sacrifié le nouveau-né dans un rituel où magie, sexe et rites catholiques sont mêlés, mais aucune preuve n’est apportée. Les activités hérétiques de l'abbé Boullan ont résulté en son expulsion de l'Église en 1875, marquant également la fin des Annales de la Sainteté, une publication pieuse dont il assurait la direction en tant que rédacteur en chef.

Successeur de Vintras

Une fois sa peine accomplie, Boullan reprend ses activités d'exorcisme, suscitant toutefois l'irritation de sa hiérarchie. L'archevêque de Paris, le cardinal Guibert, prend des mesures drastiques en lui interdisant d'exercer. Mécontent de cette décision, Boullan se rend au Vatican pour plaider sa cause et conteste vigoureusement cette sanction. Malheureusement, le Saint-Père ne lui accorde pas non plus sa faveur. Boullan est ainsi expulsé sans ménagement, définitivement destitué. C'est à ce moment-là, en 1876, qu'il s'installe à Lyon pour rejoindre la secte du prophète mystique Eugène Vintras, se proclamant ultérieurement son unique successeur après la mort de ce dernier.

 

Eugène Vintras

Eugène Vintras

 

L'abbé Boullan persévère dans sa foi en établissant le Carmel d'Élie. Simultanément, il poursuit son œuvre de "guérison des possédés" en collaboration avec Madame Thibault, une voyante avec qui il partage sa résidence dans un immeuble situé rue de la Martinière.

Revêtu constamment de sa longue robe de cachemire vermillon, ajustée à la taille par une bleue, et arborant son manteau "découpé sur la poitrine en forme de croix, la tête en bas", l'abbé déchu captive autant ses admirateurs qu'il dégoûte ses détracteurs. Dans la loge où il réside rue de la Martinière, on lui amène les "enfants noués" qu'il prétend guérir à l'aide de pierres précieuses. De même, les femmes affligées de troubles génitaux se voient appliquer des hosties consacrées, comme en témoigne l'écrivain Joris-Karl Huysmans dans son roman "Là-bas".

Cependant, ses nombreux adversaires, infiltrés au sein de la secte, rapportent bien d'autres aspects : les cérémonies noires, l'utilisation du sang de souris blanches nourries aux hosties consacrées pour éliminer les "envoûtements de haine", ainsi que sa doctrine où l'acte sexuel occupe une place prépondérante. Dans le but de racheter leurs fautes, l'abbé conseille à ses fidèles d'avoir des relations intimes avec leur "supérieur religieux" - en l'occurrence, lui-même. De plus, circule la rumeur selon laquelle il aurait fait tatouer la croix du Christ sous son pied afin de "marcher sur le sauveur". Bien que ces faits n'aient jamais été prouvés, l'abbé, qualifié de "sorcier et instigateur d'une secte immonde", sera jugé pour satanisme devant un tribunal initiatique et condamné par l'Église, entraînant la dissolution de sa secte.

L'abbé se présente toutefois comme une victime, convaincu que d'autres occultistes, dont Stanislas de Guaita, cherchent à le maudire. Ses amis Jules Bois et Huysmans partagent également cette conviction. "Il me montra sa jambe traversée jusqu'à l'os par des effluves sataniques, et les balles des pistolets fluidiques avaient creusé davantage encore son ascétique poitrine", témoigne le premier.

La veille de sa mort, Boullan écrit à Huysmans. "Cette nuit, un terrible accident a eu lieu. Je me suis éveillé suffoqué et j'ai crié : j'étouffe". Il relate avoir été "entre la vie et la mort" pendant trente minutes, considérant cela comme un signe que ses ennemis lui veulent du mal. Son décès, constaté le 4 janvier 1893, suscitera une incroyable médiatisation, alimentée d'un côté par les incessantes accusations de ses nombreux détracteurs, et de l'autre par ses rares amis cherchant à le réhabiliter.

 


 

"L'Abbé Boullan : Un Prêtre Déchu et ses Activités", Revue d'Histoire Ecclésiastique, vol. 19, 1973, pp. 245-267.
Jean-Paul Delahaye, Joseph-Antoine Boullan et la Réparation : Une Étude Critique — Éditions Verdier, 1984.
Marc L. Foucault, Les Sectes et l'Église au XIXe Siècle : Le Cas de l'Œuvre de la Réparation — Presses Universitaires de France, 1990.
Joris-Karl Huysmans, Là-bas — Éditions Gallimard, 1891. (Référence pour les descriptions des pratiques de Boullan et des événements associés.)
"Les Pratiques Hérétiques de l'Abbé Boullan", Bulletin de l'Institut d'Histoire Religieuse, vol. 12, 1987, pp. 92-110.
Robert Dubois, Les Mystères de l'Œuvre de la Réparation : Boullan et ses Suivants — Éditions du Cerf, 1995.
Jean-Pierre Boudet, Les Épreuves du Sacré : Joseph-Antoine Boullan et ses Controverses — Éditions Beauchesne, 2003.

 

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